Facteur-clé d’une transition au BIM réussie, la formation assurera la montée en compétences des professionnels du secteur de la construction et leur permettra de résister à une concurrence extérieure que certains redoutent.
Clermont-FerrandTable ronde
Les professionnels de la formation ont-ils intégré les enjeux du BIM dans les cursus qu’ils proposent ?
Quel est l’état des lieux des formations proposées ?
À partir de l’étude comparative des formations existantes, initiée par ADN Construction, principal pilote du plan BIM 2022, l’objectif est aujourd’hui de créer une offre sur mesure : le BIM est innovant, les formations pour se l’approprier (mook, elearning…) doivent l’être aussi. « Nous insistons surtout, a plaidé Gilles Charbonnel, président d’ADN Construction, pour que les formations ne se limitent pas à l’outil stricto-sensu, mais qu’elles se concentrent sur les processus. » Cette priorité vaut en formation initiale comme en formation continue, face à des publics aux profils différents : tandis que les étudiants ont l’habitude de travailler en mode collaboratif, l’évolution pourrait être plus difficile pour un public rompu à d’autres méthodes. « Autrefois, le projet était séquencé, l’architecte produisait l’esquisse, puis les bureaux d’études intervenaient, puis le projet retournait à l’architecte, a donné pour exemple Gilles Charbonnnel. Avec le BIM, on essaie d’approcher des processus plus synchrones ». C’est sur cet aspect que les formations doivent se concentrer.
Quels sont les besoins des entreprises ?
Responsable d’un mastère spécialisé GP-BIM, proposé en formation initiale et en bac+6 par POLYTECH Clermont, Gaëlle Baudouin a d’entrée souligné que la demande n’était pas clairement identifiée : « Les entreprises ne savent pas très bien le profil des ingénieurs dont elles ont besoin pour s’inscrire dans la démarche BIM » a-t-elle regretté. Conscient de cet enjeu, Gilles Charbonnel a indiqué que la création d’un Observatoire du BIM dans le bâtiment (action 4 du plan BIM 2022) avait notamment pour objectif de faire le point sur ces besoins pour, ensuite, décliner les formations adéquates. Ce diagnostic fait également partie de la mission assurée par l’Opco Atlas, comme l’a noté Antoine Château : « Notre rôle est d’aider les entreprises, qui prennent de plus en plus conscience de l’importance du BIM, à identifier leurs besoins pour faire évoluer leurs compétences. » C’est dans ce contexte que l’Opco Atlas a conçu des actions d’accompagnement des TPE dans la formalisation de leurs besoins et dans l’élaboration d’une stratégie pour y répondre, y compris pour aller chercher des financements.
Quels sont les écueils à éviter ?
Cependant, tous les acteurs présents ont martelé qu’il fallait impérativement continuer à former des ingénieurs spécialistes d’un métier (thermique, structure…) et ne surtout pas croire que les compétences liées au BIM pouvaient suffire. La compétence métier reste indispensable, notamment pour faire la différence face aux nouveaux acteurs, extérieurs au secteur du bâtiment, qui pourraient profiter du déploiement du BIM pour occuper le terrain, comme le craignent certains experts. « Il faut garder à l’esprit que le BIM est un outil – certes formidables - mais que le métier de base doit être conservé et mis au service de l’expertise, de la conception à la réalisation », a ainsi résumé Gilles Charbonnel.
Quelles sont les pistes ?
Les différentes études menées sur les impacts du BIM dans le secteur de l’ingénierie, en 2016, ou sur les dynamiques de recrutement dans ce secteur, en 2018, ont révélé des tensions de recrutement, notamment de BIM Modeleur. « Ce constat a été à l’origine de la création, sous l’impulsion de la fédération Cinov d’un certificat de qualification professionnelle (CQP) de BIM Modeleur » s’est réjoui Antoine Château. Destiné à former à ce métier en pleine mutation, ce CQP va permettre de répondre à une demande nationale estimée à 3500 créations nettes d’emplois en 2021. Quant à la question de savoir s’il faut construire une réponse plus globale, en créant éventuellement une filière de compétence dédiée au BIM, elle a été posée lors de la table ronde. De même que celle du financement, soulevée lors des questions de la salle : « Globalement les fonds de la formation sont à la baisse, a rappelé Antoine Château. C’est pourquoi nous parions beaucoup sur l’alternance et les contrats d’apprentissage pour soutenir la formation au BIM. »
Quel est le rôle des éditeurs dans la formation du secteur ?
Choix des logiciels et des formats : les problèmes d’interopérabilité sont-ils derrière nous ?
Grâce au format IFC – qui pourrait en quelques sortes être assimilé au PDF du BIM – certains experts, à l’instar de Bruno Slama, gérant de BBS Slama, estime que « tous les logiciels pouvant aujourd’hui générer des IFC, les problèmes techniques d’interopérabilité sont derrière nous ». D’autres professionnels, comme Stéphane Bernard, président d’ATTIC et de Building Smart France, considèrent en revanche que l’IFC ne fonctionne pas encore parfaitement, notamment « quand le logiciel métier ajoute de l’information dans l’outil de conception, par exemple lorsqu’un acteur extérieur intervient sur la maquette de l’architecte. » Ce type blocage relève-t-il de problèmes techniques ou de méthodologie ?
Question de philosophie ?
Plus qu’un problème technique, ce serait le manque d’adhésion à la « philosophie » de l’open BIM qui ferait obstacle à un échange fluide et ouvert des données. C’est en tout cas le point de vue de Guillaume Vray, directeur France d’ALLPLAN : « Comme le travail en silo domine encore, avec des outils spécifiques par métier, la philosophie de l’open BIM ne peut pas de déployer. Ce sont avant tout des questions de méthode qui se posent aujourd’hui : qu’est-ce qu’on veut échanger, comment, pour qui ? »« L’enjeu est aujourd’hui de comprendre comment et pourquoi on doit échanger des données ? a confirmé, de son côté, Emmanuel Di Giacomo d’Autodesk. Or il y a en France trop de méconnaissance de la part des professionnels qui pensent, à tort, que le format IFC constitue la seule solution d’échange. » Mais pour que tous les acteurs du secteur connaissent les différents formats adaptés aux différents besoins ou qu’ils sachent bien utiliser l’IFC, encore faut-il qu’ils soient formés…
Quel accompagnement de la part des éditeurs ?
Association créée pour aider à l’appropriation et à la diffusion du BIM, Building Smart France met à disposition des professionnels des fiches pratiques d’accompagnement. « Vous trouverez, sur le site de Building Smart France, des mémos pratiques, comme des guides d’aide à la rédaction de conventions BIM ou comme le « BIM BOOK », qui explore la transformation numérique du secteur de la construction », a informé Stéphane Bernard. Les éditeurs nationaux mettent aussi des outils à la disposition de leurs clients et se fixent pour objectif d’aller à leur rencontre pour comprendre leurs projets et les aider à y répondre : « Nous leur disons qu’avant de se lancer, il faut qu’ils se demandent comment ils vont échanger des données avec leurs confrères, a insisté Guillaume Vray. Il faut aussi qu’ils anticipent les demandes du maître d’ouvrage, c’est primordial pour la suite du projet. »
Autour de la table
Deux éditeurs nationaux et deux éditeurs régionaux ont participé à la deuxième séquence de la table ronde, consacrée au périmètre d’intervention des éditeurs dans la formation au BIM des professionnels de la construction : Guillaume Vray, directeur
France ALLPLAN et Emmanuel Di Giacomo, responsable Europe Développement des écosystèmes BIM chez Autodesk ; Bruno Slama, gérant de BBS Slama, et Stéphane Bernard, président d’ATTIC et de Building Smart France.
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Trois experts ont participé à la première séquence de la table ronde, axée sur la prise en compte du BIM par les professionnels de la formation : Gaëlle Baudouin, professeur agrégé en génie civil, POLYTECH Clermont Ferrand, responsable du mastère spécialisé GP-BIM ; Gilles Charbonnel, président d’ADN Construction et Antoine Château, délégué régional Auvergne-Rhône-Alpes, Opco Atlas.
Zoom
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Le projet BIM AuRA
Conçu pour accompagner la montée en compétence des entreprises de la Région Auvergne-RhôneAlpes sur le BIM, le projet BIM AURA met en relation des acteurs de la construction, qui portent un projet en lien avec le BIM, et des étudiants, qui produisent des fiches action pour aider les professionnels. Après le succès rencontré au cours de l’année 2018-19, l’opération a été renouvelée, elle sera même suivie cette année par un cabinet d’accompagnement. Au-delà du partage d’expérience sur le BIM, elle a le mérite de susciter rencontres et dialogue entre entreprises du territoire.